Ca ne tourne pas rond chez toi? L'ostéopathie à la rescousse.

Maladies & Santé - 8 minutes de lecture

Ca ne tourne pas rond chez toi? L'ostéopathie à la rescousse.

Dr Sylvia Morand
Dr Sylvia Morand Vétérinaire

Milly est une jolie petite chatte européenne de trois mois. Elle vient me voir pour troubles de l’équilibre, prostration et déformation de la boîte crânienne. 

Ses gardiens décrivent une chatte qui reste dans son coin et dort tout le temps. Ils ont tout essayé et les troubles moteurs ne les gênent pas pour eux, mais Milly reste triste et prostrée dans son coin comme déprimée et s’alimente peu ce qui les inquiète beaucoup. Milly a déjà été traitée par d’autres vétérinaires notamment avec des anti-inflammatoires sans succès et ses troubles du déplacement ou ataxie sont très handicapants.

Mili chaton

Figure 1. Milly à la première consultation

En effet, quand je la regarde marcher, Milly chancelle, perd l’équilibre jusqu’à tomber en changeant de direction et s’arrête assez rapidement, mais même sur place, elle vacille sur ses pattes. Sa boîte crânienne est déformée, le port de tête est bas et elle n’arrive pas à la redresser. Ses yeux non plus ne peuvent pas se fixer. Milly présente un nystagmus horizontal (ses yeux font un mouvement d'oscillation involontaire et saccadé causé par une perturbation de la coordination des muscles de l'œil). Milly présente également un retard de croissance par rapport aux autres chatons de sa portée.

Lorsque je pose les mains sur elle, les os de son crâne sont « figés », là où les sutures devraient normalement respirer, le mouvement est restreint voire quasi absent. Je suspecte que Milly présente une hypertension crânienne due à la déformation du crâne et je pense du coup de fortes migraines pouvant expliquer son état de « déprime ». Mais d’où est venue cette déformation crânienne et comment la soulager ? 

Ce qu’il faut savoir sur le crâne des bébés 

A la naissance, les principaux os du crâne ne sont pas encore soudés. La boîte crânienne se compose de 22 os articulés entre eux par des sutures qui, par leur morphologie particulière en biseaux, permettent le mouvement. Entre les parties osseuses, il y a des membranes cartilagineuses molles qui vont se durcir dans les premiers mois de vie. Cette souplesse permet au cerveau de grandir, et à la tête du bébé de s'adapter au moment de l'accouchement. [1]

crane humain

Figure 2. Tête osseuse d'un nouveau né [2]

Lors de celui-ci, si le diamètre est étroit, une compression de la boîte crânienne peut provoquer une fixation des sutures crâniennes. C’est en effet le crâne du chaton qui va gagner du mou en se comprimant. Le bébé gagne ainsi de la place, mais au prix d’une imbrication imprévue entre les quatre os principaux de sa voûte. Les ostéopathes, et les pédiatres sont ainsi nombreux à avoir pu observer des bébés ayant ces dysfonctions. 

Si ces sutures se fixent au lieu de récupérer leur mobilité naturelle, c’est un risque de soudure prématurée des os du crâne avec arrêt de développement en volume du cerveau.

En effet, la fixation des sutures crâniennes empêche le bon développement des structures et peut alors générer une déformation du crâne. Celle-ci pouvant conduire à une hypertension crânienne au fur et à mesure du développement du cerveau qui se retrouve à l’étroit.

Les conséquences de l’hypertension crânienne 

Chez l’humain les symptômes d’hypertension crânienne dues à des crâniosténoses n’interviennent pas avant plusieurs mois [3]. Mais on peut facilement admettre que chez le chaton les symptômes vont apparaître bien plus rapidement la vitesse de croissance étant proportionnellement bien plus rapide chez le chat (6-8 mois pour atteindre la taille adulte).

D’où l’importance de réagir vite chez l’animal en croissance. Et pas seulement pour ce cas précis mais aussi sur d’autres troubles liés à la croissance (boiteries, défauts de postures, etc.).

Les dysfonctions crâniennes peuvent aussi être dues à des compressions in utero, phénomène qui pourrait être accentué chez le chat par le nombre de fœtus souvent élevé.

En dehors du manque d’espace, les dysfonctions crâniennes peuvent également provoquer directement divers symptômes. En effet, l’anatomie des os du crâne est également étroitement liée à celle des méninges. Les dysfonctions des membranes crâniennes pourront entraîner différents troubles :

  • circulatoires : pouvant entraîner des céphalées, des vertiges, des congestions, une hypertension crânienne, et donc les migraines de Milly
  • hormonaux : notamment par l’atteinte de la tente de l’hypophyse, de nombreux troubles neuro-endocriniens trouvent leur origine dans une dysfonction crânienne (nymphomanie, absence de libido, infécondité, diabète, troubles de la croissance…)
  • neurologiques : certaines crises épileptiques trouvent leur origine dans les tensions dure-mériennes, certaines ataxies sont dues à des tensions de la tente du cervelet…
  • biomécaniques : par l’intermédiaire du « core-link », des tensions des méninges crâniennes aboutissent à un défaut de posture du sacrum et du bassin. [4]
Colonne vertebrale

Figure 3. Continuité des membranes dure-mériennes

Comment aider Milly ?

Tous les symptômes exprimés par Milly peuvent ainsi être reliés à la seule dysfonction crânienne décelée à la palpation ostéopathique. Et c’est l’élasticité du crâne de bébé encore présente chez Milly qui peut me permettre d’espérer un retour à la normale grâce aux manipulations ostéopathiques.

Un travail est réalisé en motilité sur les sutures crâniennes : en posant légèrement les mains sur le crâne de son patient, l’ostéopathe détecte cette pulsation qui lui indique la moindre irrégularité. Pour ramener le mouvement respiratoire primaire à la normale, il manipule délicatement les os du crâne pour leur rendre leur mobilité. Ces manipulations permettent, lorsque que le crâne est encore souple, de redonner de la mobilité à la boîte crânienne, lui permettant à nouveau de grandir et d’accompagner le développement du cerveau. [5] [6]

Dès la fin de la première de séance Milly ne présente plus de nystagmus. Je décide de la revoir une semaine plus tard afin de suivre son évolution et de refaire une manipulation. L’intervalle de temps est court mais indispensable vu la vitesse de croissance des chatons à cet âge-là.

Lorsque Milly revient me voir pour sa deuxième séance, ses gardiens sont ravis, ils décrivent une chatte qui revit, elle joue maintenant avec ses frères et sœurs, et dort beaucoup moins. Des troubles de l’équilibre et la déformation crânienne sont encore présents. L’ataxie est cependant moins marquée qu’à la première consultation. Une nouvelle manipulation est réalisée, Milly apprécie grandement ses séances et s’endort sous mes mains.

Au total, quatre séances, espacées d’une semaine, sont effectuées. En fin de traitement, la déformation crânienne est moins visible, le nystagmus n’est pas réapparu depuis la première séance, Milly ne présente plus de troubles de l’équilibre et rattrape son retard de croissance tout en conservant une attitude joueuse.

A ce jour, Milly est adulte et n’a pas représenté de troubles de l’équilibre depuis les manipulations. En revanche, ses gardiens décrivent tout de même une chatte un peu simple d’esprit qui a tendance à se perdre dans le village.

Mili chaton

Figure 4. Milly à la troisième consultation

Conclusion

L’approche ostéopathique a permis dans ce cas un retour à la normale des fonctions locomotrices mais également la mise en évidence et le soulagement des migraines, souvent difficiles à appréhender en médecine vétérinaire. Le comportement de prostration et de souffrance de Milly s’est résolu dès la première séance permettant aux propriétaires de mieux envisager un avenir pour leur chaton. 

Une intervention plus rapide aurait peut-être permis un meilleur développement cognitif et évité à Milly de se perdre dans les rues du village, quoiqu’aujourd’hui, elle aime se faire ramener par les voisins, elle est connue dans les rues alentour et que c’est aussi un peu ce qui fait son charme ! 

L’action ostéopathique crânienne chez les nouveaux nés est déjà bien connue en humaine et le recours aux ostéopathes en néonatal est de plus en plus fréquent. C’est une approche qui devrait être proposée également systématiquement en milieu vétérinaire. 

Rien que pour le crânien, on peut par exemple moduler certains cas de déformations de mâchoires (prognathes/rétrognathes) lorsqu’ils sont dus à une compression du crâne à la naissance ou in utero.

Sources 

  1. KAMINA P. (2009) Anatomie clinique Tome 2, 3e édition, Maloine, p21
  2. KAMINA P. (2009) Anatomie clinique Tome 2, 3e édition, Maloine, p21
  3. GAULT D, RENIER D, MARCHAC D ET AL : Intracranial volume in children with crâniosynostosis. The Journal of Craniofacial Surgery 1 : 1-3, 1990
  4. FOSSE F. (2012) Ostéopathie Crânienne. Cours AVETAO
  5. LESSARD S, GAGNON I, TROTTIER N: Exploring the impact of osteopathic treatment on cranial asymmetries associated with nonsynostotic plagiocephaly in infants. Complement Ther Clin Pract 2011, 17:193–198.
  6. LIEM T (2010) Ostéopathie crânienne, Maloine

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