Pourquoi mon animal mange-t-il de l'herbe ? Petite histoire de l'automédication des animaux

Maladies & Santé - 8 minutes de lecture

Pourquoi mon animal mange-t-il de l'herbe ? Petite histoire de l'automédication des animaux

Hélène Le Berre
Hélène Le Berre Eco-Ethologue

Avez-vous déjà observé votre chien manger de l’herbe lors d’une promenade ? Ou votre chat dans le jardin ?

Pourquoi font-ils cela puisqu’ils sont carnivores ? Et d’où peut bien venir ce comportement ? Qui leur a montré ? Les carnivores se comportent-ils de la même manière dans la nature ? Et quand est-il des autres animaux ?

Je vais commencer par la bonne nouvelle : votre animal n’est pas en train de se transformer en ruminant, ce n’est pas un comportement anormal chez les animaux, même chez les carnivores.

La moins bonne c’est qu’il peut être parasité par des vers. 

Attention : manger de l’herbe ne signifie pas dans tous les cas que l’animal est parasité. Et cela dépend de quelles herbes il ingère. Certaines peuvent aussi lui être néfastes. 

Référez-vous, dans tous les cas, à un vétérinaire en cas de réaction physique anormale. 

Ce comportement que vous pouvez observer plus ou moins fréquemment chez votre animal est ancestral. Parfois inné, parfois acquis, cela dépend des animaux. 

C'est ce que l'on appelle l'automédication, c'est-à-dire, la capacité de se soigner par soi-même dans son environnement. Donc, dans certains cas, votre animal peut faire cela pour se soigner.

Chien pothos danger

Certaines plantes peuvent être toxiques  pour vos animaux. Consultez votre vétérinaire en cas de doute. 

Comment ce comportement est arrivé chez nos animaux domestiques ?

Et comment cela se passe dans la nature loin des Hommes ? Ouvrons une petite parenthèse sauvage.

Je suis éthologue et j’ai découvert un comportement similaire en premier lieu chez les chimpanzés. A l’époque, je n’avais encore rien lu sur le sujet et je n’avais aucune idée qu’il existait des études qui le relataient. Finalement, cela n’est pas très étonnant car avec le recul, je sais maintenant que cette découverte n’avait pas 15 ans. 

C’est Michael Huffman qui en est à l’origine. Il a ouvert la voie et le débat sur l’automédication, il y a environ 25 ans. Aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire qu’énormément d’espèces se soignent par les plantes, des insectes aux mammifères en passant par les oiseaux. 

Revenons aux chimpanzés, nos plus proches cousins avec lesquels nous partageons 98 % de notre patrimoine génétique. 

Je travaillais donc dans un centre de réhabilitation pour chimpanzés en Guinée Conakry. 

Les jeunes de ce centre sont issus du braconnage. Ils sont donc nés en liberté mais leur groupe a souvent été tué alors qu’ils étaient encore très jeunes, voire bébés. 

Beaucoup de comportements étant acquis chez ces grands singes c’est à dire obtenu grâce à l’apprentissage, cela crée des « manques » dans leurs autonomies. Et notamment sur ces comportements d’autoguérison.

Chimpanze mange feuille

Douma, un chimpanzé du centre mange une plante de la famille des Marontacae. 

Plusieurs fois, j’ai été étonnée d’observer des jeunes chimpanzés m’apporter des feuilles ou des champignons lors des sorties en brousse. Longtemps, j’ai pris ça pour des cadeaux. 

Et puis, j’ai découvert qu’en fait, ces jeunes venaient « m’interroger » sur la possibilité d’ingérer telle ou telle plante, tel ou tel champignon. 

Je me suis alors revue, enfant, demander à ma mère « Et ça ? Est-ce que ça se mange ? » en montrant du doigt certaines espèces de plantes ou de champignons. 

Bebe chimpanze

Finalement, cela n’avait rien d’étrange car dans le contexte, nous étions les mères adoptives de ces jeunes chimpanzés et nous avions ainsi le rôle d’enseignants.

On sait maintenant que chez les chimpanzés, 15% des plantes qu’ils consomment ont des qualités antiparasitaires. Ils les utilisent aussi bien de manière préventive que curative, en usage interne ou externe. 

Il n’y a pas forcément de lien avec une capacité cognitive importante. Cela peut l’être, mais un tel comportement peut aussi être un principe de base pour la survie de l’espèce.

Par exemple, la mésange utilise des plantes aromatiques dans la construction de son nid. Et, alors qu’elles ne renouvellent pas les autres matériaux du nid, ces plantes sont régulièrement changées. 

Il a été observé que les nids qui contenaient ces végétaux étaient significativement moins parasités que les autres où il n’y en avait pas. 

Mesange

Mais les plantes n’ont pas le monopole de la médecine animale.

Les colobes (singes) de zanzibar mangent du charbon, très similaire à celui que nous vendons en pharmacie. Celui-ci leurs permet d’éliminer les toxines présentes dans certaines plantes qu’ils consomment. 

Les chimpanzés utilisent aussi l’argile des termitières pour ces vertus antibiotiques. Les termites elles-mêmes insèrent de l’argile dans la construction pour maintenir leurs abris propres et sans bactéries. 

Ce phénomène est aussi observé chez les perroquets, ils utilisent également l’argile comme pansements gastriques. 

Cela est passionnant et il y a encore énormément d’exemples mais revenons à nos animaux domestiques. 

Perroquet

Pour notre toutou, l’ancêtre est-il un loup ou un chien ? Nous ne sommes pas encore réellement fixés mais ce qui est sûr c’est que, peu importe sa taille et/ou son poids votre ami poilu à des origines « sauvages ». Grâce et aussi parfois à cause de cela, il a conservé (plus ou moins en fonction de son degré de sélection) des comportements de son cousin éloigné. 

L’automédication en est un. 

Lors d’une étude sur les loups en Russie, j’ai observé une louve creuser la neige à la recherche d’herbe.

Ce comportement m’a beaucoup surprise d’autant que cela réalisait un effort important au milieu de l’hiver russe. 

Plus tard, quand nous avons étudié ces fèces nous avons retrouvé les tiges d’herbes entières et non mâchées. A l’intérieur était enfermé des parasites intestinaux.  

Loup forêt

Notre chien a conservé cette propension à se soigner par lui-même à travers les âges. Et il en est de même pour notre félin préféré qui a bien sur lui aussi des origines sauvages.

Alors surtout, quand vous les voyez faire cela, regardez les faire, patientez et vous pouvez même les féliciter afin qu’ils continuent à utiliser ces comportements ancestraux. 

Et si vous notez une réaction physique anormale, rapprochez-vous de votre vétérinaire. 

Savoir les observer, c’est aussi les aimer !  

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