Troubles de la concentration, stress, hyperactivité, destructions, agressivité… et si c’était son microbiote ?

Maladies & Santé - 8 minutes de lecture

Troubles de la concentration, stress, hyperactivité, destructions, agressivité… et si c’était son microbiote ?

Dr Sylvia Morand
Dr Sylvia Morand Vétérinaire

Khali est un jeune chien berger allemand de 6 mois. Ses gardiens sont dépassés, Khali n’écoute rien, dévaste leur intérieur, fait une fixation sur les selles qu’il veut en permanence manger à tout prix, ne semble pas être capable de comprendre ce qu’on lui demande et commence à montrer des signes d’agressivité. Pourtant ce n’est pas le premier chien de la famille et rien ne laissait présager un tel débordement. 

Pendant que ses gardiens me raconte son histoire j’observe Khali. Il est un véritable asticot, il ne cesse de bouger, gémir, multiplie les aller-retour, gratte à la porte et il est presque impossible de le maintenir sur la table sans qu’il monte en pression. L’anxiété est flagrante et son mal être également.

Dans l’historique, Khali a souffert à son adoption d’une diarrhée due à une giardiose qui a mis du temps à se résoudre et ses selles sont d’ailleurs toujours mal formées.

A à peine 6 mois son intestin est un sac de nœuds, et c’est pour moi la cause de tous ces problèmes : la dysbiose intestinale. La dysbiose intestinale est un déséquilibre de la flore intestinale ou microbiote, entrainant une inflammation du tube digestif.

Berger allemand

Bien évidemment, le fait d’avoir en permanence des gènes intestinales, ballonnements, crampes, etc. peut déjà justifier d’une certaine irritabilité, causée par la fatigue et la douleur de l’organisme, mais pas seulement. 

Le tube digestif abrite pas moins de 10^13 à 10^14 micro-organismes qui constituent notre microbiote intestinal. Celui-ci est impliqué dans un grand nombre de fonctions physiologiques essentielles pour l’organisme, à la fois digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques. (1) En effet, l’intestin est constitué d’autant de neurones que le cerveau.  

L’émotion vous prend aux tripes car elle est viscérale !

On a longtemps pensé que le cerveau gérait les émotions, seulement à la lumière des nouvelles études sur le microbiote et le système nerveux intestinal, il apparaît que le véritable gérant de nos émotions est l’intestin. 

Notre premier cerveau est dans notre ventre, il est le processeur et le cerveau a proprement parlé est le disque dur. Depuis une dizaine d’année, les études sur l’interaction entre le microbiote et le système nerveux se multiplient. Dépression, troubles de mémoire, de l’apprentissage, du caractère, les conséquences d’une dysbiose sont multiples. L’intestin et le cerveau communiquent entre eux de manière bidirectionnelle par 3 voies principales : neurologiques, endocrines et par facteurs immunologiques. (2) Plusieurs études montrent que le microbiote est essentiel pour une fonction saine de régions du cerveau impliquées dans le contrôle des émotions et les facultés cognitives. (3)

Chien qui regarde


Une inflammation chronique intestinale peut d’une part atteindre physiquement le nerf vague, qui connecte plus de 100 millions de neurones intestinaux au cerveau ! La dégradation physique du nerf vague entraine une sensation de fatigue et d’agitation nerveuse ainsi qu’un trouble du péristaltisme intestinal. Cela se fait en général par l’activation de processus auto-immuns par interaction du microbiote avec le système immunitaire (voir autre article sur le lien entre le microbiote et les troubles immunitaires : atopie, MICI, maladies auto-immunes).

D’autres part, le microbiote agit également sur la partie endocrine et notamment la sécrétion du cortisol. (4)

Enfin on a montré notamment que les bactéries intestinales jouent un rôle principal dans la sécrétion des neurotransmetteurs comme la sérotonine, la dopamine... 

La sérotonine joue un rôle essentiel. Elle est impliquée dans la gestion des humeurs et est associée à l'état de bonheur et bien être, permettant l’apaisement. Elle est également impliquée dans la mobilité digestive et « dans divers désordres psychiatriques tels que stress, anxiété, phobies, dépression. Plus de 80 % de la sérotonine de notre organisme est fabriquée dans l’intestin par des cellules spécialisées et sous l’influence du microbiote. (5)

La sérotonine permet également de réguler le péristaltisme intestinal, or si celui-ci est perturbé cela peut entretenir la dysbiose créant alors un cercle vicieux. Ainsi on s’interroge également dans le cas de MICI (malades inflammatoires chronique intestinale) sur la part de responsabilité de l’anxiété. C’est un peu comme l’œuf ou la poule, qui est venu le premier ?

Dans le cas de Khali, c’est l’irritation intestinale chronique qui a créé une carence en sérotonine perturbant ses capacités de concentration et d’apaisement. 

Chien qui regarde

Mais qu’est ce qui a créé la dysbiose et comment y remédier ?

Le microbiote se construit avant même la naissance au moment de l’accouchement, l’animal l’enrichit ensuite par la tétée, le fait de tout mettre à la bouche (comme les bébés). Le passage à l’alimentation solide module également le microbiote.

Parmi les grands facteurs de dysbiose : l’alimentation est joue un rôle primordial. Et chez nos carnivores préférés, il faut s’intéresser particulièrement à la quantité et qualité des protéines présentes dans la ration alimentaire. La teneur en fibre joue également un rôle important.

Les médicaments peuvent également perturber le microbiote. Les antibiotiques notamment et les antis acides sont les deux principaux médicaments qui vont modifier considérablement le microbiote intestinal. En effet, les antis acides modifient le pH gastrique et limitent la destruction naturelle de certains micro-organismes. 

Quant aux antibiotiques, leur administration va modifier de façon importante l’abondance et la diversité du microbiote. (6) Le microbiote constituant un véritable écosystème, celui-ci peut mettre des mois à se rétablir. D’où l’adage « les antibiotiques ce n’est pas automatique ». 

Berger allemand

Pourquoi mange-t-il ses selles et celles des autres ?

L’animal est souvent capable de savoir instinctivement ce qui est bon pour lui et quoi de mieux comme probiotiques que de se faire sa propre transplantation fécale ? Dans ce cas, j’ai donc tendance à les laisser faire et le comportement s’arrête une fois la dysbiose rétablie par le traitement adjacent. 

Attention tous les animaux qui cherchent à manger les selles ne sont pas forcément en dysbiose. Cela peut également résulter simplement de la présence dans les selles de molécules appétantes non digérées, ou d’un trouble du comportement.

Et pour Khali que fait-on ?

Nous avons travaillé ensemble sur son microbiote : prébiotiques, changement d’alimentation et phytothérapie afin de rétablir sa santé intestinale. A retenir en particulier : le Griffonia, plante sérotoninergique d’une grande aide dans ce type de troubles. 

Griffonia

Griffonia simplicifolia

En trois mois, Khali était métamorphosé : plus de destructions, ni d’agressivité, un chien à l’écoute, bien dans ses pattes et dans sa tête car bien dans son ventre !

Sources 

  1. Le microbiote : cet inconnu qui réside en nous (numéro thématique). Med Sci(Paris) 2016; 32 : 919–1037.
  2. Mayer and cie – Gut microbes and the brain: paradigm shift in neuroscience. J Neurosci 2014;34(46):15490-6
  3. Cryan and cie – Mind-altering microorganisms: the impact of gut microbiota on brain and behaviour. Nat rev Neurosci 2012;13(10):701.
  4. Grenham S.Clarke and cie – Brain-gut-microbe communication in health and disease. Front Physiol 2011;2:94
  5. Gershon MD. 5-Hydroxytryptamine (serotonin) in the gastrointestinal tract. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2013 ; 20 : 14–21
  6. Elodie Quévrain, Philippe Seksik - Microbiote intestinal : de la diarrhée post-antibiotiques aux maladies inflammatoires intestinales, La presse médicale Volume 42, Issue 1 45-51


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